Christine Chivallon, Directrice de recherche au CNRS et reponsable du groupe "Mondes caraïbes et transatlantiques" annonce le partenariat avec l'ITM lors de la journée d'études 'Varia' autour des sociétés à fondement esclavagiste et colonial, le 28 mai 2015, à Sciences Po Bordeaux.
À consulter : la rubrique consacrée au groupe de recherche MCTM sur le site de la Fondation Maison des Sciences de l'Homme (FMSH), avec une belle présentation du MOOC.
Mondes caraïbes et transatlantiques en mouvement organise des journées d’études annuelles (2 à 3 par an) et encourage les initiatives de recherche développées dans son dispositif de partenariat. Le programme bénéficie d’un affichage « FMSH » adossé au laboratoire LAM (avec le Pôle « Caraïbe-Amériques ») et au CRPLC (avec l’axe de recherche animé par le « CIRESC » Centre de Recherche sur les Esclavages » fondé par Myriam Cottias devenu LIA, laboratoire International Associé). Les journées d’études sont l’occasion de travailler le propos scientifique général avec un recentrement sur des thèmes précis définis pour chaque journée. Les échanges internationaux sont privilégiés et peuvent prendre appui sur les collaborations de recherche développées au sein de chaque centre (par exemple la convention entre le LAM et le Yesu Persaud Centre for Caribbean Studies de l’Université de Warwick ou encore les liens formalisées entre le LAM et l’Université d’Oxford par le biais des associations réciproques de chercheurs – David Howard ; Christine Chivallon - dans les deux institutions). Les laboratoires impliqués dans le « Programme France Caraïbe » dont le SALISES en Jamaïque sont également des ressources mobilisables (voir « encadré » plus haut).
La coordination du projet est placée sous la responsabilité de Christine Chivallon (LAM) tout en impliquant des coresponsabilités lors des différentes opérations scientifiques et des affichages communs entre les différents partenaires.
À ces deux sessions, il convient d'ajouter la participation du groupe MCTM à la Journée des Mémoires organisée par l'ITM en mai 2016, et dont la captation donnera lieu à des modules complémentaires du MOOC.
Chercheurs impliqués au départ du programme
La liste suivante est évolutive :
- Pauline Guedj, anthropologue, enseignant-chercheur, Visiting Fellow New York University, (chercheure associée au LAM)
- David Howard, géographe, enseignant-chercheur, University of Oxford (chercheur associé au LAM)
- Matthieu Renault, philosophe, post-doctorant, Université Paris 13 Nord (chercheur associé au LAM)
- David Lambert, géographe-historien, enseignant-chercheur, Center for Caribbean Studies, University of Warwick (chercheur associé au LAM)
- Sébastien Nicolas, politologue, doctorant au LAM
- Soizic Brohan, politologue, doctorant au LAM
- Michel Cahen, historien, chercheur LAM
- Christine Chivallon, anthropologue-géographe, chercheur au LAM
- Fabienne Viala, littérature comparée, enseignant-chercheur, Center for Caribbean Studies, University of Warwick
- Justin Daniel, politologue, enseignant-chercheur, CRPLC, Université Antilles-Guyane, Martinique
- Aurélie Roger, politologue, enseignant-chercheur, CRPLC, Université Antilles-Guyane, Martinique
- Myriam Cottias, historienne, chercheur CRPLC, CIRESC,
- Elisabeth Cunin, sociologue, chercheur IRD, CIRESC,
- Brian Meeks, politologue, enseignant-chercheur, SALISES, University of West Indies, Jamaica
- Jessica Byron, politologue, enseignant-chercheur, Department of Government, University of West Indies, Jamaïque
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À consulter : le site de LAM ("Les Afriques dans le monde"), centre de recherches pluridisciplinaires et comparatistes, unité mixte de recherche 5115, Sciences Po Bordeaux - CNRS
Modules tirés du Cours de 1ère année de Christine Chivallon, dans le cadre
du programme "France-Caraïbes",
Sciences Po Bordeaux
Introduction à l'histoire et à l'anthropologie de la Caraïbe et des Amériques noires
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Modules tirés de la journée d'études "Varia sur les sociétés à fondements esclavagiste et colonial", Sciences Po Bordeaux, jeudi 28 mai 2015.
La Caraïbe forme un ensemble dont la diversité et l’hétérogénéité des dynamiques sociales, politiques, culturelles interrogent avec une acuité particulière de nombreux phénomènes au fondement de la modernité occidentale et de son devenir, dans le rapport intrinsèque que celle-ci entretient avec la colonisation et dans la manière dont le sujet colonial et postcolonial en est venu à reconfigurer le projet moderne. Si la Caraïbe concentre ces dynamiques de manière aigüe, c’est en raison de la spécificité qui lui revient en tant que formation culturelle du Nouveau Monde dont les sociétés qui la composent réunissent des populations qui sont en grande majorité descendantes des esclaves amenés d’Afrique, à la différence des autres régions de cet espace historique que Roger Bastide avait désigné par l’expression « Amériques noires »11 - Bastide R., 1967, Les Amériques Noires, Paris, Petite Bibliothèque Payot. . Cette spécificité qui appelle une focale resserrée sur la Caraïbe, n’atténue cependant pas les résonnances, en d’autres lieux, de l’expérience si particulière de l’esclavage transatlantique et de ses prolongements, au cœur de ce qu’Achille Mbembe a pu nommer les « démocraties esclavagistes »22 - Mbembe A., 2013, ‘L’esclave, figure de l’anti-musée ?’, Africultures, 91, pp. 37-40. . C’est ici que les Nations modernes expérimentent leurs premières constitutions basées sur les droits du citoyen sans pour autant dire le soubassement profond qui est le leur, à savoir la matrice esclavagiste dont la cale du bateau négrier - que Paul Gilroy a défini comme le marqueur spatio-temporel ou encore « le chronotope » de la « Black Atlantic »33 - Gilroy P., 1993, The Black Atlantic. Modernity and Double Consciousness, London, Verso - figure l’ampleur de la tragédie humaine. Les espaces transatlantiques sont tout à la fois ceux du choc des cultures, de la rencontre des contraires, de l’explosion des prétentions de la modernité, de la critique ininterrompue des faux universalismes. Ce sont des espaces de connexion et de circulation rompus à une confrontation intime avec l’exercice de pouvoirs les plus déshumanisants. Depuis le chaos originel de la conquête, de nouveaux modes de pensée ont émergé tels que les a abordés Serge Gruzinski, en tant qu’ensembles jamais clos, animés par une aptitude à transformer et critiquer les héritages de la colonisation, selon « des capacités d’invention et d’improvisation qu’exige la survie dans un contexte extrêmement perturbé, composite (indo-afro-européen) et sans précédent »44 - Gruzinski S., 1999, La pensée métisse, Paris, Fayard.
Le programme Mondes caraïbes et transatlantiques en mouvement a pour objectifs de travailler sur la longévité et le renouvellement de ces dynamiques au sein des espaces transatlantiques dont la Caraïbe forme le cœur. Cette perspective oblige à pratiquer sans cesse le décloisonnement pour rétablir la matrice de sens qui assemble les aires d’une géographie depuis longtemps reliée entre Europe, Afrique, Amérique. Souvent considérés comme le prototype de la postmodernité55 - En particulier, Hall (S.), “Cultural Identity and Diaspora”, in : Williams (P.), Chrisman (L.) (eds), Colonial Discourse and Post-Colonial Theory. A Reader, London, Harvester-Wheatsheaf, 1993, voir p. 401-402., ces espaces d’une mondialisation « d’avant l’heure » appellent un regard particulièrement attentif capable de se saisir à la fois des processus de métissage et de créolisation et des significations auxquelles renvoient sans cesse cette mise en rapport des lieux et des divers registres politiques et culturels qui leur correspondent. Ceux-là ont été assemblés sur la base d’une expérience particulièrement violente dont il est nécessaire d’envisager les continuités, les échos, les traces qu’elle produit dans l’actualité des relations interconnectées, sans pour autant céder aux formes du « tout changeant » trop souvent associé au paradigme de la créolisation qui prévaut pour ces espaces. C’est pourquoi il s’agit aussi de s’intéresser aux schèmes de vision sociale hérités, prolongés, réactualisées depuis le socle de l’expérience de la traite transatlantique et de l’esclavage, jusqu’aux espaces de notre contemporanéité. Les orientations de recherche de Mondes caraïbes et transatlantiques en mouvement se concentrent ainsi sur cette matrice historique d’interrelations en postulant ses prolongements toujours vifs. Elles s’articulent autour de cette portée du passé dans le présent où sont retravaillés les systèmes structurels et symboliques hérités. L’intention générale est de reconnaitre - dans l’apparente dissociation temporelle des trajectoires, des espaces et des cultures depuis les âges de la colonisation ancienne des Amériques - les relations, continuités, renouvellements, aménagements et évolutions à partir de processus redevables de permanences.
Pour autant, tout en cherchant à récupérer les processus de continuité et les sédimentations sociales trop souvent négligés par les paradigmes associés depuis plus de vingt ans aux « travelling cultures »66 - L’expression est passée à la postérité depuis les écrits de James Clifford (1992, « Travelling cultures », in : Grossberg Lawrence and al. (Eds), Cultural Studies , New-York, Routledge, pp. 96-116., les objectifs de Mondes caraïbes et transatlantiques en mouvement ne délaissent pas les créations nouvelles et les dynamiques de recomposition. Les sociétés des Amériques ayant pour socle l’expérience fondatrice de l’esclavage ont en effet été maintes fois abordées sous l’angle du paradoxe entre la force d’injonction des catégories instituées par l’ordre esclavagiste, dont les catégories d’assignation socio-raciales sont les plus persistantes, et la vitalité des formes culturelles qui ont été malgré tout élaborées dans un tel contexte d’assignation durable. C’est ainsi que ces formations culturelles se définissent généralement à partir de ce binôme indissociable de la rigidité violente des cadres normatifs hérités de l’esclavage et de l’invention permanente de pratiques culturelles inédites, foncièrement baroques et interculturelles77 - La définition déjà ancienne de Richard Price est encore valable quand il affirme que la singularité des Amériques noires tient à « l’existence d’une civilisation ayant répondu à la discrimination raciale par une singulière vitalité culturelle dans les domaines de la religion, de la musique et de la langue » (Price R., 1991, “ Amériques noires ”, in : Bonte P. et Izard M. (Eds), Dictionnaire de l’ethnologie et de l’anthropologie, Paris, PUF, pp. 62-63, citation p. 62). Ces créations culturelles incessantes reconfigurent les catégories sociales en usage et s’adressent aussi aux catégories conceptuelles. Elles offrent un immense champ exploratoire destiné à repenser autant les approches du pouvoir que la production des orientations collectives au travers d’un rapport critique instituant de la vie sociale et nourri de la connaissance intime de la violence fondatrice. Dans l’expérience issue de l’esclavage totalitaire, il y a toujours quelque chose de l’ordre de la résistance à l’autorité, à la centralité, à l’assignation, à la normalisation, quelque chose de l’ordre du « contre », au point de pouvoir définir la formation culturelle issue de la traite transatlantique, comme une « contre-culture de la modernité »88 - Selon la célèbre formule utilisée par Paul Gilroy (empruntée à Z. Bauman) dans The Black Atlantic (Gilroy P., 1993, op. cit.). Sur ces approches formulées en termes de “contre” (“contre l’état”, “contre le politique”…) voir également Chivallon C., Martin D. C., 2006, « Une culture contre le politique ? Des sociétés afro-américaines face au politique », in : Berthomière W., Chivallon C., Les diasporas dans le monde contemporain, Paris, Karthala. au sens de la portée critique qu’elle adresse au projet moderne hégémonique. C’est à ces formes culturelles élaborées sous la forme du refus de l’autorité normative des dispositifs dominants et de la mise en œuvre de pensées critiques et alternatives que le programme Mondes caraïbes et transatlantiques en mouvement s’intéresse, y compris même lorsque ces pensées prennent le risque de s’ériger à leur tour en « système », ou bien même lorsqu’elles expriment des ambiguïtés complexes prises entre le désir et le rejet de l’assimilation à l’ordre occidental. Autant la production de ces savoirs que leur circulation et leurs espaces de références entre Afrique, Amérique et Europe retiennent l’attention. Tout thème, tout questionnement – qu’il s’inscrive dans le champ des études littéraires, artistiques, musicologiques, sociologiques, politiques, anthropologiques, géographiques… – est privilégié à partir du moment où il offre les matériaux permettant de s’emparer de ce va-et-vient entre pouvoir et contre-pouvoir. Décrypter des formes sociales inédites formées au sein de systèmes éminemment coercitifs ; montrer comment les ressorts de cette coercition continuent d’être actifs dans l’actualité des rapports sociaux (depuis leurs formes les plus sourdes et inaperçues, jusqu‘aux plus violentes et brutales) ; s’attacher aux manières de construire un rapport au pouvoir intimement informé par cette force coercitive ; décrire les modalités de produire la vie sociale selon cette expérience de la violence fondatrice continuée ; s’intéresser à la créativité des registres (artistique, religieux, éthique, politique, philosophique) qui médiatisent ce rapport au monde ; dessiner la géographie de ces savoirs et les itinéraires physiques et symboliques qu’ils empruntent entre les continents de référence : tel est le cadre général de travail à partir duquel Mondes caraïbes et transatlantiques en mouvement souhaite décliner les connaissances sur des espaces producteurs de formulations sociales originales. Dans une perspective comparatiste, ce questionnement est élargi autant aux strates sociales qui se sont surajoutées au socle historique fondateur (notamment au travers des migrations transatlantiques post-esclavagistes) qu’aux sociétés créoles fondées hors de l’espace atlantique (Océan Indien notamment).
HISTORIQUE : Un dispositif original de recherche adossé
à l'enseignement selon un partenariat international
Cette formation démarrée en 2007 a été accompagnée dès les départ par la Fondation Maison des Sciences de l'Homme dans le cadre du PREFALC (Programma régional France - Amérique latine - Caraïbe) en lien avec la Direction des relations européennes et internationales et de la coopération (DREIC, Ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche). Pépinière de jeunes chercheurs, elle s'adosse à un dispositif de recherche freliant les trois centres des trois institutions concernées : le Sir Arthur Lewis Institue of social an economics studies (SALISES) à UWI ; le Centre de recherche sur les pouvoirs locaux dans la Caraïbe (CRPLC, UMR 8053 de l'UAG et du CNRS) et Les Afriques dans le monde (LAM, UMR 5115 du CNRS et de Sciences Po Bordeaux).
Le GRAMSCIT (Groupe de recherche sur les sociétés contemporaines issues de la traite transatlantique) qui avait été créé à Sciences Po Bordeaux au sein du CEAN (Centre d'étude d'Afrique noire, devenu LAM) a permis de dynamiser jusque-là cette synergie "enseignement-recherche". Le programme Mondes caraibes et transatlantiques en mouvement lui succède à partir de la rentrée 2014-2015 selon le partenariat engagé avec la FMSH et les autres collaborations mobilisées dans ce dispositif de recherche.
Mondes caraïbes et transatlantiques en mouvement est une composante du "Pôle Caraïbes-Amériques" fondé au sein du laboratoire LAM (Les Afriques dans le monde - CNRS-UMR 5115) à Sciences Po Bordeaux. Ce pôle s'appuie sur une formation LMD binationale franco-jamaïcaine appelée "Programme France Caraïbe" (PFC) réunissant trois partenaire institutionnels (University of the West Indies, UWI, Jamaïque ; Université des Antilles-Guyane, UAG, Martinique ; Sciences Po Bordeaux). Le principe de cette formation repose sur le recrutement d'étudiants venus des trois sites. Ces étudiants (une quinzaine par promotion) suivent ensemble leur formation selon une rotation effectuée tout au long de leur cursus : année 1 dans chacune des universités de rattachement ; année 2 en Martinique ; année 3 à Bordeaux : année 4 en Jamaïque ; année à Bordeaux. Cette immersion totale dans les milieux concernés est garante d'un haut niveau de spécialisation sur les sociétés carribéennes, les échanges Nord-Sud, les problématiques liées au développement, à la coopération internationale et à l'interculturalité. En savoir plus
Collaboration entre la Fondation Maison des Sciences de l’Homme (FMSH) et LAM (Les Afriques Dans Le Monde), CNRS-Sciences Po Bordeaux avec le CRPLC (Centre de Recherche sur les Pouvoirs locaux dans la Caraïbe), CNRS-UAG, Martinique et le CIRESC (Centre International de Recherche sur les Esclavages)
© ITM, 2015. MOOC conçu, écrit et
réalisé par Loïc Céry, Coordonnateur
numérique du programme "Mémoires
des esclavages" de l'Institut du Tout-Monde.
Enregistrements et bandes son : Félix Lahu.
Prises de vue "Les entretiens
du MOOC" : Laurène Lepeytre.
Toute reproduction du contenu du MOOC est libre de droit (sauf cas d'utilisation commerciale, sans autorisation préalable), à condition d'en indiquer clairement la provenance : url de la page citée, indication de l'auteur du texte et
de la production du MOOC par l'ITM.
Dans le cadre du MOOC "Connaître l'esclavage", l'Institut du Tout-Monde a lié un partenariat à partir de mai 2015, avec le groupe de recherche "Mondes caraïbes et transatlantiques en mouvement" (MCTM), issu du laboratoire LAM ("Les Afriques dans le monde") du CNRS, de Sciences Po Bordeaux et de la FMSH. L'ITM se félicite de ce partenariat avec l'un des pôles actifs de la recherche actuelle en matière de prise en compte des sociétés caribéennes et de leurs soubassements historiques marqués par le passé esclavagiste. Ce partenariat permettra d'ouvrir le MOOC sur les préoccupations d'ordre anthropologique inhérentes à l'étude des sociétés issues de l'histoire bouleversée de l'esclavage, et d'élargir notre propos par conséquent à ce qu'Édouard Glissant nommait les "traces" culturelles provenant de ce passé. C'est donc en vertu de ce partenariat que nous réservons au groupe de recherche cet espace dédié, au gré duquel ses activités seront présentées dans le cadre de sessions à part entière des Cycles d'approfondissement du MOOC et selon le fonctionnement didactique de l'outil, suivant un calendrier précisé ici.