Le lancement du MOOC "Connaître l'esclavage" avait donné lieu, le 29 mai 2015 à Paris (Maison de la Poésie), à une rencontre autour de la sensibilisation à la mémoire de l'esclavage et de l'enseignement de l'histoire de la traite négrière (soirée "Transmettre la mémoire de l'esclavage"). Lors de la première table ronde ("Connaître et transmettre"), Christiane Taubira, alors Garde des Sceaux, avait longuement évoqué la mutiplicité des réistances que manifestait l'histoire de l'esclavage, et en quête desquelles elle s'était mise en marche, lors de la préparation de la loi de 2001 portant l'incrimination de crime contre l'humanité.
Elle avait à cette occasion rappelé les différents cas de résistance, des conditions diverses du marronnage (continental ou insulaire) aux multiples modalités d'une subversion du fonctionnement de l'habitation. Ell nous avait donc expliqué combien, en amont de la rédaction de cette loi décisive, en replongeant dans cette histoire, elle avait retrouvé la trace de l'éminente dignité de femmes et d'hommes qui jamais n'acceptèrent la domination et l'oppression. Elle avait retrouvé les sujets agissants derrière les biens meubles, les résistants derrière les victimes.
Dans le sillage de cette actualité de la diffusion de la connaissance de l'insurection de Virginie à laquelle a contribué le film de Nate Parker, dans le sillage aussi du coup de projecteur porté sur l'Underground Railroad, par les annonces officielles concernant la mémoire d'Harriet Tubman, les découvertes archéologiques toutes récentes effectuées par l'équipe de Daniel Sayers, archéologue et directeur de l'Institut d'Anthropologie de l'American University de Washington permettent justement de relier étonnamment ces deux illustres cas de résistance. Car ces découvertes d'une importance considérable pour l'histoire de l'esclavage aux États-Unis, ont révélé l'implantation, dès le début du XVIe siècle, d'importantes communautés de Marrons, dans le Great Dismal Swamp, gigantesque étendue marécagueuse qui s'étend du Sud de la Virginie à la Caroline du Nord, sur quelque 4000 km carrés. Jusqu'à ces découvertes de Daniel Sayers et Becca Peixotto, le marécage était perçu précisément comme une sorte de point de passage pour les Marrons, entre les plantations de Virginie, vers l'Underground Railroad menant vers les États du Nord, sur plusieurs milliers de kilomètres. Mais à la faveur des campagnes de fouilles de 2015 et 2016, les archéologues parviennent à prouver que ce marécage démesuré (où fut retrouvé justement Nat Turner en 1835), abrita du XVIe au XIXe siècle d'importantes implantations de Marrons vivant en complète autarcie (comme les Saramakas ou les Bushiningués en Guyane), mais avec néanmoins des liens clandestins avec les esclaves demeurés sur les plantations. Cette mise à jour fondamentale est retracée par le documentaire "Le village des esclaves insoumis" réalisé par Andreas Gutzeit pour la ZDF. Une résistance pluriséculaire, révélée tout récemment par l'archéologie : l'histoire et la mémoire de l'esclavage s'écrivent au présent.
Lors du cours, est évoquée également parmi les cas fameux de résistance cités, l'incroyable expérience de l'Underground Railroad aux États-Unis, à propos de laquelle on consultera ci-dessous (gauche) un dossier spécifique établi au sein du Mémorial virtuel (dossier à propos d'Harriet Tubman et de l'aventure de l'Underground Railroad). Mais on peut également évoquer un cas récemment mis en lumière par le film Birth of a Nation de Nate Parker, et c'est celui de l'insurrection de Virginie de 1835 menée par le héros controversé Nat Turner - autre cas qui a fait l'objet d'un dossier du Mémorial virtuel (ci-dessous, droite).
Dans le cours, Christine Chivallon évoque également le cas célèbre des communautés marrones de Guyane, parmi lesquelles les Saramakas, tant étudiés par Richard Price au cours de ses nombreux travaux. On trouvera ci-dessous (gauche) la vidéo d'une récente intervention de Richard et Sally Price au Cycle "Penser la Caraïbe, penser le monde" de l'ITM, mardi 20 septembre 2016, à propos de deux ouvrages, dont le recueil de traduction de contes saramakas, Deux soirées de contes saamaka (Vents d'ailleurs, 2016). À droite, trois entretiens exclusifs de Sophie Kaluk (Aligre FM / Institut du Tout-Monde) avec Richard Price enregistré en septembre 2011 et 2016, à propos de sa démarche d'anthropologue et de la réédition de son ouvrage Les Premiers temps, dont il est question dans le cours de Christine Chivallon.
Pour la dernière nation du continent américain à avoir aboli l'esclavage (1888), le Brésil a compté dans son histoire, parmi les plus anciennes communautés marronnes, les Quilombos, du nom de ces implantations de marrons apparues dès la fin du XVIe siècle dans le Nord Est de l'immense territoire brésilien. La plus connue d'entre elles, le Quilombo de Palmares, vit la plus longue guerre d'esclaves insurgés menée avec les colons, durant près d'un siècle, de 1604 à 1695, notamment sous la houlette de son leader charismatique, Ganga Zumbi, dit Zumbi dos Palmares. Aujourd'hui, plusieurs siècles après l'épopée bien réelle de Zumbi, les Quilombolas doivent se battre pour la propriété des territoires conquis par leurs ancêtres : si une loi de 1988 leur accorde une partie de ces territoires lors du centenaire de l'abolition de l'esclavage, le reste de leurs terres est encore sujet à tractations.
On trouvera ci-dessous (gauche, haut), un panorama intéressant (en dépit du ton "militant" de la présentation) de la plateforme "The Great Riot" ; droite : contribution Richard Marin (Université Toulouse II Le Mirail) dans le cadre du colloque "Les Amériques noires. Identités et représentations", Université de Toulouse, février 2013 : "Zumbi de Palmares, nouvelle figure du Panthéon héroïque brésilien" ; gauche, bas : un sujet d'actualité de France 24 (août 2007) : "Quilombo : terre des anciens esclaves".
L'une des perspectives historiques étudiées particulièrement par Christine Chivallon aura consisté en une mise en regard de l'insurrection du Sud de la Martinique en 1870 et la grande révolte de Morant Bay en Jamaïque en 1865.
On trouvera ci-dessous (à gauche) Catch a fire, un utile panorama historique de la révolte de Morant Bay, réalisé en 1995 par Menelik Shabaz. Avec les analyses de Stuart Hall et de Swithin Wilmott et Clinton Hutton (University of the West Indies). On pourra également consulter (à droite) un document rare tiré des archives de la télévision jamaïcaine : en 1965, la Jamaïque célèbre le centenaire de la révolte de Morant Bay. À cette occasion, la télévision d'État propose cette reconstitution historique édifiante effectuée par Carey Robinson, d'un événement considéré comme fondateur de la nation et de la mémoire jamaïcaines - le document est à consulter au titre de cette perspective commémorative et témoignant du récit de l'histoire nationale. Note : l'accès audio dépendra de votre ordinateur (la prise de son initiale étant en mono) ; essayez éventuellement l'écoute avec casque, qui est susceptible de résoudre la question.
Dans le cours, selon une approche qui mêle comme à l'accoutumée anthropologie et histoire, Christine Chivallon évoque plusieurs cas historiques de ce que fut la résistance, tout au long de la longue période esclavagagiste. Dans le propos de son cours, sont évoqués non seulement quelques repères choisis dans cet itinéraire historique des résistances, mais aussi des modèles sociaux qui, à leur manière, témoignent d'un héritage mémoriel des formes que prirent la rébellion, marquées évidemment par le paradigme tutélaire du marronnage. Précédant l'évocation du marronnage en tant que tel, le propos permet d'emblée d'en aborder le retentissement quant à certains modèles sociaux comme celui du "Major" en Martinique.
En complément au propos du cours, vous trouverez ici Clara et les Majors, l'excellent documentaire réalisé en 2013 par Guy Deslauriers, sur un scénario de Patrick Chamoiseau, à propos de l'histoire des Majors en Martinique, histoire inséparable de la tradition du tambour Bèlè et de la danse du Danmyé. L'un des nombreux mérites de ce document de référence : les très éclairantes mises en perspective effectuées par l'anthropologue Jean-Georges Chali et le sociologue Serge Domi. Guy Deslauriers a par ailleurs réussi au cours de ce document, à filmer le témoignage de l'un des derniers Majors martiniquais, Marie Deston, mais aussi de quelques-uns des plus éminents maîtres du Bélè, Paul et Benoît Rastocle, Apollon Valade et Berthé Grivalliers. Un film documentaire qui permet de mesurer l'empreinte de la période de l'esclavage sur cette part essentielle de la culture martiniquaise.
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réalisé par Loïc Céry, Directeur
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Enregistrements et bandes son du Niveau 1 : Félix Lahu. Prises de vue "Les entretiens
du MOOC" : Laurène Lepeytre.