En plus de la citadelle, il fallait bien sûr au roi Christophe le palais de rêve, le Versailles des Tropiques, que sera Sans-Souci (ci-contre), le palais construit à Milot, non loin de la citadelle La Ferrière. Détruit par un tremblement de terre de 1843, il est aussi le symbole de la mémoire et du modèle colonial de l'ère post-esclavagiste.
La Citadelle La Ferrière est le fruit du travail harassant de 20 000 ouvriers haïtiens, dont 2000 sont morts durant les 14 ans durant lesquels ont duré ces travaux titanesques. La menace de l'attaque des troupes françaises, contre laquelle a été édifié la forteresse aux 200 canons, n'est pourtant jamais intervenue dans la réalité.
son peuple le roi Christophe, au prix de sacrifices exceptionnels et démesurés. Cette démesure même, de la part d'un héros de la révolution haïtienne, né esclave tout comme Toussaint et obsédé comme lui, par la fierté nationale du peuple haïtien souverain et libéré de la colonisation, s'exprime par excellence dans cette réalisation inouïe. Une forteresse militaire imprenable, juchée à 900 mètres d'altitude au Cap-Haïtien, au nord de l'île, lieu du royaume de Christophe (le sud alors républicain).
La Citadelle La Ferrière est sans doute le monument le plus imposant de cette épopée de l'indépendance d'Haïti. Construite par Henri Christophe (1767-1820) après la proclamation d'indépendance, sous le règne de ce général qui fut le compagnon de lutte de Toussaint avant de s'autoproclamer roi en 1811, la Citadelle La Ferrière demeure le symbole de cet orgueil que voulait restituer à son peuple
« Nous n'avons pas d'orgueil parce que nous n'avons pas de souvenirs. J'apprendrai l'orgueil à mon peuple dussé-je pour cela lui briser les reins de travail. »
Première République noire de l'Histoire, Haïti, l'ancienne Saint-Domingue, tient lieu en elle-même, en tant qu'entité nationale, de symbole historique avéré de la libération du joug esclavagiste. Inséparable de l'épopée fondatrice de
Toussaint Louverture, Haïti est à ce titre le lieu d'une mémoire de cette libération, excédant même toute abolition. C'est dans ce sillage qu'en 1982, l'UNESCO a pris l'initiative d'inscrire au patrimoine mondial trois lieux symboliques forts : la Citadelle La Ferrière construite par le roi Henri Christophe (immortalisé par Césaire dans La tragédie du roi Christophe) après la proclamation d'indépendance de 1804 par Jean-Jacques Dessalines, et pour défendre le territoire du retour des troupes françaises ; le Palais Sans Souci et le site des Ramiers. Cet ensemble constitue un lieu de mémoire reconnu, celui de l'affranchissement conquis par Haïti, sur les ténèbres de l'Histoire.
Ce documentaire réalisé par l'UNESCO retrace l'Histoire quelque peu épique liée à ces trois monuments de la Citadelle La Ferrière, du Palais Sans-Souci et du site des Ramiers. C'est cette reconnaissance et cette volonté de valorisation qui sont à l'origine du classement au patrimoine mondial du "Parc national historique - Citadelle, Sans-Souci, Ramiers" qui interviendra en 1982 et qui incite l'UNESCO en 1980 à lancer une vaste campagne pour la sauvegarde de ces sites phares alors vétustes, et que cette opération contribuera à restaurer. Il s'agit bien d'une consécration décisive par l'UNESCO, de lieux de mémoire esssentiels à travers lesquels Haïti célèbre face au monde son identité propre, celle des martyrs de l'esclavage et celle des héros de l'indépendance de la première nation noire de l'Histoire.